Photographe officiel de la Présidence de la République (2012-2017)
polPrésident de la République, quel drôle de métier.
D’ailleurs plus qu’un métier, c’est une fonction.
Être président s’est d’abord assumer une fonction exécutive de grande ampleur.
Tout l’appareil d’État vous remonte des informations, qu’il faut sans cesse transformer en décisions impactant la vie de millions de personnes.
En cela, de haut en bas, le Palais de l’Élysée peut facilement se décrire par sa rythmique : frénétique et incessante. Cela ne s’arrête jamais. Comme la marée va et vient, il y a toujours un lot de problèmes à régler, une ligne politique à faire connaître, un représentant à recevoir, un rituel à perpétuer.
Plus important encore, le Président assume une autre fonction.
Une fonction symbolique : le Président « représente ».
Il représente le peuple français. Il représente la République. Il représente les intérêts de la Nation.
Et coûte que coûte, il doit être la représentation de la stabilité et du bon fonctionnement du pays.
La plus grande fonction du Président est d’être une image.
Une image connue de tous. Une image présente dans toutes les mairies et dans tous les bâtiments officiels. Une image que l’on peut aimer ou détester mais que personne ne peut ignorer. Sociétalement, l’image du Président est un repère commun qui permet à tout à chacun de se positionner.
Les photographes officiels sont la cheville artisane de la création de cette image.
Ils ont eux aussi une double fonction.
En premier lieu, ils sont les scribes visuels de la République. Les images qu’ils produisent ont pour destination finale les archives nationales. Un jour, leurs images serviront à raconter l’Histoire.
Cette fonction mémorielle oblige à une doctrine photographique d’une très grande rigueur.
Aucune modification n’est permise. L’image officielle de la présidence ne peut souffrir d’aucun doute sur la véracité du moment, des personnes ou de la situation qu’elle documente. Cela impose au photographe une maîtrise technique sans faille.
L’image doit rentrer du premier coup et sans bévue. Jours après jours, reportages après reportages, elle doit répondre a de hautes exigences de qualités techniques et narratives. Quand bien même le sujet est une parfaite définition du mouvement imprévisible et du changement de dernière minute.
Les photographes officiels sont également des fabricants de la communication présidentielle. L’ensemble de l’agenda officiel du Président doit donner lieu a des images rapidement consultables par le grand public. C’est un devoir de rendre compte de son activité que le Président doit aux français, tout autant qu’une nécessité pour la narration du récit de sa politique.
Car la politique reste un récit. Un récit des intentions et des directions que l’on veut donner au pays.
Dans cet exercice étroit de communication institutionnelle, il a été profondément excitant d’être un témoin privilégié de l’Histoire, et de pouvoir « capturer » les redoutables fauves que sont les décideurs politiques. Mais le plus passionnant a été de se faufiler au travers des contraintes pour laisser entrevoir la trace de l’humain derrière les postures imposées par les conventions.
Dans cet univers si tenue et si maîtrisé, j’ai aimé être à l’affût des petits moments de relâchement et des spontanéités. Ces instants fugaces qui nous rappellent que même si le Président doit s’extraire de sa condition d’homme pour devenir une image symbolique, il n’en reste pas moins notre semblable, fait de la même glaise et des mêmes aspérités.